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Пфеффелю К., 8/20 июля 1847*
138. К. ПФЕФФЕЛЮ 8/20 июля 1847 г. Баден-БаденBade-Bade. Ce 20 juillet 1847
Me voilà depuis une quinzaine de jours en Allemagne et je n’ai pas besoin de vous dire, cher ami, que ce qui a le plus contribué à me faire revoir ce pays avec un véritable plaisir, c’est l’espoir de vous y rencontrer, vous et les vôtres. Vous connaissez l’horreur que j’ai des écritures, ainsi vous m’aurez pardonné sans peine la persistence de mon silence, mais les lettres de votre sœur ne vous auront pas laissé ignorer, combien souvent vous avez été regretté et desiré pendant la durée de ces trois années d’absence.
J’aurais été tout de suite vous chercher à Munich, mais je savais que vous étiez sur le point de quitter cette ville et j’ai pensé que notre entrevue pourrait tout aussi bien avoir lieu ailleurs soit sur les bords du Rhin, soit même à Ostende, où vous devez faire un séjour de quelques semaines. Je serais même bien aise de la soustraire à l’influence des impressions locales d’une ville, dont une absence de trois ans n’a pas entièrement triomphé en moi du sentiment de satiété qu’elle m’a laissé. Je me figure après cela ce que doit être l’intime et profond dégoût que vous vous en emporterez… Ainsi choisissons, s’il vous plaît, pour lieu de notre rendez-vous quelque localité moins fanée. Faites-moi seulement part des dates de votre itinéraire, et il me sera facile, grâce à mon entière indépendance de mouvement, d’aller vous joindre partout où vous serez. Adressez-moi le mot d’avertissement que je vous demande à Bade-B<ade>.
Je reviens en ce moment de la Suisse, où j’avais été chargé de porter de nouvelles instructions à notre mission à Zürich. Eh bien, voilà un pays qui, logiquement parlant, devrait être à la veille d’une guerre civile*. Et cependant je n’ai jamais vu à aucun pays une physionomie plus placide, plus débonnaire.
C’est que c’est en Suisse comme partout ailleurs, les velléités révolutionnaires ne sont que le fait de quelques-uns. Les masses y résistent, jusqu’à présent, non pas par leurs convictions, car elles n’en ont plus, ou n’en ont que de mauvaises — mais tout bonnement par leur poids. Laquelle de ces deux influences aura fini par l’emporter sur l’autre, c’est ce que nos enfants viendront un jour nous raconter dans l’autre monde.
En attendant, cher ami, mettez-moi aux pieds de votre femme*. Elle sera touchée, j’en suis sûr, du plaisir que j’aurai à la revoir. Mille tendresses aussi à vos enfants*.
Je reçois à l’instant une lettre de votre sœur qui est en ce moment aux environs de Réval. Elle se porte bien, mais elle me manque beaucoup. Tout à vous T. T.
ПереводБаден-Баден. 20 июля 1847
Две недели как я в Германии, и мне нет надобности говорить вам, любезный друг, что надежда встретить здесь вас и всех ваших наиболее способствовала тому, что я снова увидел эту страну с истинным удовольствием. Вам известно мое отвращение к писанию, следовательно, вы легко можете простить мне мое упорное молчание, но из писем вашей сестры вы знаете, как часто в течение этой трехлетней разлуки мы сожалели о вашем отсутствии и желали вас видеть. Я бы незамедлительно направился к вам в Мюнхен, но я знал, что вы собираетесь оттуда уезжать, и рассудил, что наше свидание может столь же успешно состояться где-нибудь в другом месте, либо на берегах Рейна, либо даже в Остенде, где вы собираетесь провести несколько недель. Я буду даже весьма рад оградить это свидание от воздействия впечатлений того города, чувства пресыщения которым не могло победить во мне и трехлетнее мое отсутствие. Представляю себе, каким же искренним и глубоким должно быть отвращение, которое вынесете от него вы… Итак, изберем, если вам угодно, для нашей встречи какую-нибудь менее заезженную местность. Сообщите мне только точные числа вашего маршрута, и, поскольку я ничем не связан в своем передвижении, мне будет легко встретиться с вами, где бы вы ни находились. Сведения, которые я у вас прошу, направьте в Баден-Баден.
Я только что вернулся из Швейцарии, куда мне поручено было доставить новые инструкции в нашу миссию в Цюрихе. Рассуждая логически, вот страна, которая, по-видимому, находится накануне гражданской войны*. И однако более безмятежной и благодушной физиономии я никогда не видывал ни у одной страны. Ибо в Швейцарии, как и повсеместно, революционные попытки являются действием лишь отдельных личностей. До сих пор народ в целом не поддается им, не в силу убеждений, коих у него нет или, если есть, то плохие, а просто-напросто потому, что он тяжел на подъем. Которое из этих двух влияний возобладает над другим, об этом наши дети расскажут нам когда-нибудь на том свете.
Пока, любезный друг, низко кланяюсь вашей супруге*. Я уверен, что она будет тронута тем, какое удовольствие доставит мне свидание с ней. Передайте также сердечный привет и вашим детям*.
Я только что получил письмо от вашей сестры, которая находится сейчас в окрестностях Ревеля. Со здоровьем у нее хорошо, а мне без нее плохо. Весь ваш Ф. Т.
Тютчевой Эрн. Ф., 10/22 июля 1847*
139. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 10/22 июля 1847 г. Баден-БаденBade-Bade. Jeudi, ce 22 juillet 1847
Ma chatte chérie, hier matin j’étais à regarder le pays par l’embrasure d’une fenêtre immense démolie du vieux château de Bade. Ce château est une admirable ruine qui plane à une hauteur de 1400 p<ieds> sur un admirable pays, d’une côté la vallée de Bade avec quatre ou cinq autres qui viennent y déboucher, d’autre part une immense plaine traversée par le Rhin, embrassant dans sa couche à perte de vue tout le pays depuis Strasbourg jusqu’à Carlsruhe. C’est très beau. Et quand je me suis retourné pour te parler, tu n’y étais pas… Il se trouve que tu es à cinq cents lieues loin d’ici, dans un abominable trou qui s’appelle Hapsal. Il se trouve que c’est moi qui t’y ai envoyée, toi qui n’aurais jamais dû entendre parler de ce fichu endroit. Et moi pendant ce temps-là, je me promène de mon pied léger à travers tous les pays qui sont les tiens, — ayant à peu près la mine d’un homme qui voyage pour son plaisir. Je trouve parfaitement ignoble de ma part d’avoir souscrit à un pareil arrangement. Mais si tu ne m’accompagnes pas de ta personne, tu me poursuis de ton souvenir, je devrais même dire que tu me persécutes, car il est certain que c’est une véritable persécution. Je rabâche bien la peine de venir ici tout seul. Chose singulière. Le monde que je vois s’agiter ici, les personnes que je rencontre, rien de tout cela, rien de ce qui est humain ne te rappelle à mon souvenir. Mais que je me trouve en présence d’un site ou, comme hier, d’une ruine, ou mieux encore d’une église gothique, et aussitôt tu viens à moi, toute assez, pour me faire sentir cet abominable cauchemar de l’absence. Voici les endroits où j’ai le plus vivement pensé à toi, après t’avoir quitté à Berlin. C’était d’abord à Francfort, puis trois jours plus tard à Zürich. Mais là au lieu de descendre à l’hôtel Baur qui m’aurait infailliblement attristé, je suis allé me nicher dans une espèce de hauteur au 4ème étage de l’hôtel du Lac, une véritable lanterne magique qui m’enveloppait de tout part de la vue du Lac, des montagnes, de tout un splendide et magnifique horizon que j’ai revu avec un véritable attendrissement. — Ah, ma bonne amie, il n’y a pas à dire. Ma fibre occidentale a été grandement remuée tout ce temps-ci. — Puis sais-tu où j’ai beaucoup pensé à toi? C’était à Bâle, bien que ce soit un terrain qui t’est étranger et, je crois même, inconnu. — C’était le soir. J’étais assis sur les poutres tout près de l’eau, en face de moi, sur la rive opposée la cathédrale de Bâle dominant un fouillis de toits aigus et de maisons gothiques collées contre la rampe du rivage, le tout recouvert d’un lambeau de verdure… Ceci aussi était fort beau, le Rhin surtout qui coulait là à mes pieds et qui chantait dans l’obscurité. De Bâle je suis allé à Strasbourg où j’ai passé la nuit à la maison rouge. Il va sans dire que je n’ai pas manqué de faire tes compliments à Münster*. Mais je n’ai plus retrouvé de certains lilas que nous avons vu si frais et si fleuri sur la vieille toiture d’une maison située en face de la cathédrale. — Mais Strasbourg m’a attristé et j’ai eu hâte de rentrer en Allemagne.
Je sens que je devrais mettre un peu plus d’ordre chronologique dans ma narration, et je le ferais, si mon exécrable écriture ne me rendait pas toujours si nerveux. Essayons pourtant… De Berlin j’allais par le chemin de fer jusqu’à Weimar… Ah, ne blasphémons pas le chemin de fer. C’est une admirable chose, maintenant surtout que le réseau se noue et se complète de tout côté. Ce qu’il y a de si particulièrement bienfaisant pour moi, c’est qu’il rassure mon imagination contre mon plus terrible ennemi, l’espace, cet odieux espace qui vous noie et vous anéantit, corps et âme, sur les chemins ordinaires.
A Weimar je trouvais Maltitz, seul, établi dans la maison de Goethe. Entre nous soit dit, tout cet épisode de Weimar m’a beaucoup ennuyé. La localité m’a paru abominablement triste, et l’entrevue avec Maltitz n’avait rien qui eût pu l’égayer. Je l’ai retrouvé juste au même point où je l’ai laissé il y a 4 ans. C’est toujours la même chanson. Seulement ce fond d’égoïsme qui fait le véritable fond de l’individu est devenu encore plus aigu, comme les traits d’une figure qui a vieilli. En un mot, sa société ne m’a pas fait du bien et j’aurais beaucoup donné pour pouvoir la troquer, dans le moment donné, contre celle de ton frère. Je passais la nuit à Weimar logé chez Maltitz et repartis le lendemain. Le chemin de fer s’arrête à Eisenach qui est à 24 milles de Francfort. Il fallut se résigner à prendre la diligence — et quelle diligence, bon Dieu, et cela immédiatement après le chemin de fer. — C’était le débit de Tom Have, après celui de Thiers. Exécrable diligence, va! Vingt heures pleines pour faire 24 milles.
Entre Hanau et Francfort notre carabas qui se traînait est croisé par un cabriolet. En y jetant les yeux, j’aperçois une dame, toute en noir, qui en passant à côté de nous porte son lorgnon à l’œil… C’était l’affaire d’un instant, mais cet instant avait suffi pour me faire reconnaître, dont cet inimitable mouvement du lorgnon appliqué — Madame de Cetto* — et ce qui complète pour moi la révélation, c’est que le Brochet m’a dit spontanément qu’il était sûr d’avoir reconnu le fidèle Ott dans l’homme assis sur le siège. Ce qui ajoute une vraisemblance suprême à ma conjecture, c’est que le cabriolet se dirigeait vers Hanau où quelques jours auparavant venait de s’ouvrir un nouveau tripot de jeu… Mais, si je n’ai fait que l’entrevoir cette fois, je compte bien, à mon retour à Francfort, aller la chercher, quelque tapis vert des environs, car on m’a dit qu’elle ne quitterait pas le pays avant la fin de la saison. — A Francfort où je suis descendu par méprise à l’hôtel de Russie au lieu du Römischer Kaiser, j’ai eu la satisfaction de retrouver presqu’au complet l’excellente famille Oubril*. Surprise, exclamations, accueil cordial, partie de thé arrangée au jardin, mais à laquelle un accès rhumatismal de mal de dents survenu inopinément dans la soirée m’a empêché d’assister. J’ai revu là larmoyante Madame Martchenko*, tout récemment revenue de Paris où elle avait passé l’hiver, mais comme son mari est, je crois, absent en ce moment, elle m’a paru moins élégiaque que de coutume. Quant à l’un des deux anges — l’ange Marie* est marié, je n’ai pas pu le voir. Il vient d’accoucher il y a 4 semaines. — Je n’ai point trouvé d’autres connaissances à Francfort. Joukoffsky et Gogol pour qui j’avais lettres et paquets étaient partis le jour même de mon arrivée. Ayant appris par Oubril que la Chancelière était encore à Bade, mais qu’elle allait partir le surlendemain pour Wildbad, je me décidai, en dépit de l’exhortation si prévoyante du Chancelier, de la considérer comme non avenue et me confirmai d’autant plus dans la résolution de ne pas passer par Bade que j’avais quelque raison de supposer que j’y trouverai encore Krüdener qui y était venu quelques jours auparavant. Je partis de Francfort à 1 <heure> de l’après-midi et à 7 h<eures> du soir j’étais déjà arrivé à Bade où se faisait mon entrée au moment de la grande promenade guidé par l’ami Esterhazy* que j’avais rencontré sur le chemin de fer. Il ne nous fut pas difficile de découvrir dans une allée latérale, un peu à l’écart de la foule, la Chancelière attablée en société de la femme du docteur Arendt*. La reconnaissance a été affectueuse et aimable, mais tempérée par un peu d’embarras. Bientôt après nous sommes rejoints par Mad. Chreptovitch, toujours vive et sémillante, mais dont la peau grâce au soleil bade s’est complètement bronzée. Puis vinrent les deux nièces, Mesdames Zinovieff et Stolipine*. C’était à peu près les seules Russes qu’il y eut pour le moment à Bade. La soirée fut employée à reconnaître un peu la localité dont les dames voulurent bien me faire les honneurs, puis j’allais l’achever auprès de la Chancelière à qui je promis en la quittant qu’à mon retour de Zürich j’irai, après avoir passé quelque temps à Bade, lui faire une visite à Wildbad — et c’est ce que je propose de réaliser la semaine prochaine.
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