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Читем онлайн 40 лет Санкт-Петербургской типологической школе - В. Храковский

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Леонтьева Н. Н. Семантический анализ и смысловая неполнота текста: Автореф. дис…. канд. филол. наук. М., 1968.

Мельчук И. А., Холодович А. А. Залог (Определение. Исчисление) // Народы Африки и Азии. 1970. № 4.

Успенский В. А. К понятию диатезы II Проблемы лингвистической типологии и структуры языка. Л., 1977.

Яхонтов С. Е. Классы глаголов и падежное оформление актантов // Проблемы теории грамматического залога / Отв. ред. В. С. Храковский Л., 1978.

G. Lazard

Qu'est-ce qu'un verbe transitif?

1. Introduction

Qu'est-ce que la transitivité? Cette question n'a guère de sens, pas plus que des questions comme: qu'est-ce qu'un objet? qu'est-ce qu'un sujet? Transitivité, sujet, objet sont des notions traditionnelles élaborées par les grammairiens du passé observant leurs langues et s'efforçant de systématiser leurs observations. Ces notions assurément ne sont pas creuses, mais elles sont obscures parce qu'elles sont confuses. La question que doit se poser le linguiste d'aujourd'hui n'est pas: qu'est-ce que la transitivité? mais: quels faits observés par nos prédécesseurs les ont conduits à élaborer la notion de transitivité? Pourquoi a-t-elle été et est-elle encore si généralement utilisée dans la description des langues les plus diverses? Garde-t-elle une pertinence dans la perspective de la linguistique moderne, et, si oui, quelle définition peut-on en donner?

Deux évidences s'imposent à qui s'adonne à l'étude du langage. L'une est qu'il porte du sens: on parle pour dire quelque chose. L'autre est que les seuls faits observables avec précision sont les formes. Comme a fort bien dit mon maître E. Benveniste, «les manifestations du sens semblent aussi libres, fuyantes, imprévisibles, que sont concrets, définis, descriptibles, les aspects de la forme» [Benveniste 1974: 216]. C'est donc sur la forme qu'il faut s'appuyer pour saisir comment la langue structure le contenu de pensée. Nous le savons aujourd'hui, surtout grâce aux instruments intellectuels que nous a légués le saussurisme, notions d'arbitraire du signe, de signifié et de signifiant, de pertinence, etc. Ils nous permettent de serrer de plus près les réalités linguistiques que les grammairiens anciens percevaient intuitivement et confusément.

Nous savons qu'il ne suffît pas de définir un verbe transitif, en termes sémantiques, comme un verbe indiquant qu'une action émanée d'un sujet passe (transit) sur un objet, mais qu'il faut, dans chaque langue, chercher des critères morphosyntaxiques, c'est-à-dire de forme, distinguant les verbes transitifs de ceux qu'on dénomme intransitifs. Et cependant, comme nous le verrons, la sémantique reprend inévitablement ses droits quand on passe de la description des langues, prises individuellement, à leur comparaison, en vue d'apercevoir ce qu'elles ont de commun et qui explique et, dans une certaine mesure, justifie Vidée traditionnelle de transitivité. Cette recherche implique une démarche complexe: sémasiologique, de la forme au sens, dans la description de chaque langue, puis onomasiologique, du sens à la forme, au départ de la comparaison des langues, puis de nouveau sémasiologique dans la quête de l'universel. Nous l'esquissons très sommairement dans ce qui suit.

2. La transitivité dans une langue donnée

Dans la description d'une langue donnée, il est toujours possible de choisir un critère morphosyntaxique pour définir un verbe transitif. En latin, par exemple, et en général dans les langues où existe une flexion nominale, un verbe transitif est un verbe qui régit un «objet direct» à l'accusatif. En français, langue sans déclinaison, un verbe qui régit un terme nominal sans préposition en position postverbale est dit «transitif direct». Mais beaucoup de grammairiens admettent aussi des verbes «transitifs indirects», régissant des objets «indirects», c'est-à-dire prépositionnels, comme obéir à qqn.

Cette notion de transitivité, qu'elle soit «directe» ou «indirecte», n'est pas très claire. Elle recouvre des faits qui s'expriment mieux en termes de valence. La distinction principale est entre actants etcir-constants, fondée sur des critères morphosyntaxiques. Les circonstants sont étrangers à la valence du verbe; leur forme ne dépend aucunement du choix du lexème verbal. Les actants, au contraire, sont d'une forme déterminée par le choix du verbe: ce sont des termes régis par celui-ci. Certains actants sont en outre obligatoirement présents avec un verbe donné: par exemple, rencontrer ne peut s'employer sans un objet direct (rencontrer un ami, rencontrer des difficultés)', recourir ne peut s'employer sans un complément introduit par la préposition à (recourir à un expédient). Ces actants sont dits «requis». Il existe donc des actants simplement régis et des actants régis et requis [Lazard 1994: 70,1998a: 68; 1998b: 16–17].

Ce sont ces distinctions qui, plus ou moins clairement, sont sous-jacentes à la notion traditionnelle de transitivité. Pour les grammairiens du français qui admettent la transitivité indirecte, un verbe transitif est un verbe qui peut ou doit être accompagné d'actants (directs ou indirects). Pour ceux qui définissent la transitivité par la présence possible d'un objet direct, un verbe transitif est un verbe qui peut ou doit être suivi d'un actant sans préposition.

Ajoutons que certains linguistes pensent que la notion de transitivité est inutile et qu'on peut s'en dispenser (ainsi [Gross 1969]). Il soutiennent que celle de complément d'objet est vaine et qu'il suffît de décrire avec précision les faits de valence, c'est-à-dire de classer les verbes selon le nombre et la forme des compléments qu'ils admettent ou exigent.

Transitivité directe ou indirecte, transitivité réduite à la construction directe, abandon de la notion de transitivité, les trois positions sont légitimes, pourvu que, dans le cadre choisi, les faits soient décrits exactement.

Il reste cependant que la notion de transitivité est employée très largement et étendue à de nombreuses langues, y compris des langues ergatives où la forme de la construction dite transitive est totalement différente de celle qu'elle a dans les langues accusatives. Cette persistance appelle une explication. L'examen de la question en perspective interlinguistique en suggère une.

3. Le problème de la comparaison des langues

Les critères défmitoires de la transitivité dans des langues particulières ne sont guère généralisables.

Si l'on retient celui des grammairiens du français qui admettent une transitivité indirecte, transitivité signifie purement et simplement présence possible d'un ou plusieurs actants («actant» étant défini par opposition à «circonstant»). La distinction entre verbe transitif et verbe intransitif coïncide alors avec celle qu'on fait entre actant et circonstant. Elle peut être généralisée, mais elle n'est pas très intéressante.

La plupart des linguistes, dans la plupart des langues, définissent la transitivité par la présence (possible) d'un objet direct. Mais qu'est-ce qu'un objet direct? En latin ou en russe un terme à l'accusatif; en français et d'autres langues d'Europe occidentale, un terme suivant le verbe sans préposition; en tahitien, langue polynésienne, un terme prépositionnel d'un certain type (v. plus bas, § 5). Dans les langues erga-tives, on considère généralement comme transitive une construction comprenant un terme à l'ergatif et un autre à l'absolutif (cas zéro), et c'est ce dernier qui correspond à l'objet direct des langues accusatives. Chacun de ces critères est propre à des langues particulières et incapable de fournir une définition de la transitivité en perspective intérim-guistique. Il n'y a pas de critère morphosyntaxique de la transitivité valable pour toute langue.

Cette difficulté n'est qu'un cas particulier du problème général et fondamental que pose la comparaison typologique des langues. Toute comparaison demande une base de comparaison. Sur quelle base va-t-on comparer les langues? Les formes des langues étant d'une variété pratiquement infinies, elles ne peuvent former une base de comparaison. En revanche, comme toutes les langues sont en principe propres à exprimer les mêmes contenus de sens, c'est aux contenus de sens qu'on doit faire appel pour fonder la comparaison. La difficulté est que, comme nous avons vu, les seules données observables objectivement en linguistique sont les formes, c'est-à-dire les signifiants. Quant aux signifiés qui sont exprimés par les signifiants, ils ne se définissent eux-mêmes que par leur place dans le système qui est propre à la langue. Indépendamment de cette structure imposée par la langue, les contenus de sens n'ont pas de structure saisissable objectivement, c'est-à-dire autrement que par l'intuition, qui est inévitablement subjective. Le linguiste est alors en face d'un dilemme. Il voit d'un côté des formes saisissables objectivement, mais indéfiniment variées, de l'autre un univers de sens «libres, fuyants, imprévisibles», comme dit Benveniste.

Dans ces conditions, il n'a d'autre solution que de «se donner», c'est-à-dire choisir, des cadres conceptuels qui lui serviront de base de comparaison [Lazard 1999: 99-103, réimpr. 2001: 28–39]. Ces cadres conceptuels sont arbitraires, en ce sens qu'ils ne résultent pas d'un raisonnement rigoureux ni d'une observation systématique, mais d'une décision méthodologique. Ils sont fondés sur l'intuition et peuvent surgir de toute espèce d'expérience, sens commun, connaissance du monde en général, convictions philosophiques, suggestions tirées de la psychologie. En particulier et tout particulièrement, le linguiste tire parti de sa familiarité avec des langues diverses. Ces cadres conceptuels sont évidemment conjecturaux, puisque purement intuitifs, mais ce ne sont pas des hypothèses au sens scientifique du terme.

Ils ne sont pas vérifiables par l'examen des données offertes à l'observation. Ce sont des instruments de la recherche, en l'occurrence des moyens utilisés pour comparer les langues. Leur valeur réside dans leur fécondité. Il n'y a pas lieu de se demander s'ils sont justes ou faux, mais s'ils sont productifs ou non. S'ils permettent de découvrir des relations intéressantes commîmes à des langues diverses, ils ont rempli leur fonction. S'ils n'aboutissent pas à des découvertes, il faut les abandonner et en construire d'autres.

4. Un cadre conceptuel

Pour l'étude de la transitivité nous choisissons comme point de départ, c'est-à-dire comme cadre conceptuel, la notion d'«action prototypique», que nous définissons de la façon suivante:

(1) Définition: Une action prototypique est une action réelle, complète, discrète, volontaire, exercée par un agent humain bien individué sur un patient bien individué qui en est affecté réellement.

On admettra facilement que toutes les langues ont le moyen d'exprimer un procès ainsi défini. Autrement dit, il existe dans toutes les langues une construction employée pour exprimer une action prototypique. Cela ne signifie pas que, dans toutes les langues, cette construction sert exclusivement à cela. Bien au contraire, dans beaucoup de langues, et même probablement, dans la plupart, elle peut servir à exprimer autre chose, actions non prototypiques ou même procès qui ne sont pas des actions. Mais c'est cette construction qui est employée lorsqu'il s'agit d'exprimer une action prototypique, c'est-à-dire possédant les caractéristiques indiquées dans la définition (1). Nous l'appelons «construction biactancielle majeure» (sigle: CBM).

(2) Définition: La construction biactancielle majeure (CBM) est, en toute langue, celle qui sert à exprimer l'action prototypique.

Cette construction prend, selon les langues, des formes variées. Elle peut être accusative ou ergative, comporter ou non des indices actan-ciels (marques personnelles ou autres) dans la forme verbale, mettre en jeu ou non des marques casuelles dans les termes nominaux, impliquer un ordre des mots obligatoire ou préférentiel, etc. Quelles que soient ces formes, elles ont toutes en commun d'être susceptibles de dénoter un même type de contenu sémantique, à savoir des actions prototypiques.

Nous disposons ainsi, pour la comparaison des langues, d'un point fixe, qui consiste en deux éléments corrélés:

— sur le plan du contenu de sens ou, en termes saussuriens, des signifiés, la notion d'action prototypique,

— sur le plan morphosyntaxique ou des signifiants, la construction biactancielle majeure, qui assume des formes différentes dans les diverses langues.

Nous avons donc à la fois, d'une part, un contenu de sens bien défini commun à toutes les langues et, d'autre part, des formes différentes exprimant ce contenu de sens dans les langues différentes. Nous sommes dès lors en mesure de comparer légitimement ces formes différentes sur la base du contenu de sens commun. Nous pouvons aussi comparer l'extension sémantique que prend, différemment dans les différentes langues, l'usage de la CBM, c'est-à-dire examiner, dans une perspective comparative, quels sont les sens qu'elle peut exprimer, dans chaque langue, en plus de l'action prototypique. Nous verrons que ce champ de recherche ne manque pas d'intérêt.

5. La transitivité en perspective interlinguistique

Ce qui précède (§ 4) constitue la première étape de la démarche: nous avons élaboré un cadre conceptuel pour servir de base à la comparaison des langues, c'est-à-dire un instrument de travail choisi librement. La deuxième étape consiste à former une hypothèse vérifiable par l'observation. Notre hypothèse est que la notion traditionnelle et confuse de transitivité est fondée sur l'idée implicite d'action prototypique.

(3) Hypothèse: La CBM est, en toute langue, la construction transitive.

Cette hypothèse est assez facile à vérifier. La CBM, c'est-à-dire la construction utilisée pour décrire une action prototypique, est, en français et dans les langues voisines, celle qu'on appelle ordinairement transitive, avec un objet direct En latin et autres langues du même type, c'est celle qui comporte un objet à l'accusatif.

Dans les langues ergatives, c'est aussi celle que l'on qualifie habituellement de transitive. Par exemple, le tcherkesse a des constructions biactancielles de deux types différents [Paris 1991: 34]. Toutes deux incluent un terme au cas direct et un préfixe actanciel coréférent de ce terme et placé en première position dans la forme verbale. Mais l'autre terme est différent dans les deux constructions. Dans l'une, c'est un terme nominal au cas oblique qui généralement n'est pas en tête de phrase et qui est coréférent d'un préfixe verbal dit de «deuxième série» ou de «deuxième position» (ex. 4).

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