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Читем онлайн Избранные труды - Вадим Вацуро

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Еще раз прости, если теперь, когда я старше на двенадцать лет, я не смог устоять против очарования, соблазнившего меня, если я предпочел эту грудь во всей полноте созревшей красоты, этот алый рот, эти страстные поцелуи всему, что я когда-то видел в тебе, всему, что я получал от тебя. Никогда я не был так влюблен, как во время этих внезапных объятий.

Oh maravigli à! Amor, ch’appena é natoGià grande vola e già trionfa armato[817].

A вы, бедная Катишь! ваши пятнадцать лет и милости, которыми вы меня осыпали, ныне оставили лишь едва заметный след в моей памяти. Выдающийся ум, прелести хорошего воспитания, обольстительные дарования в соединении с глазками, равным которым найдется очень немного, нравом, превосходящим всяческое воображение; грудью, чья эластичность должна была бы оттолкнуть всякую бестрепетную руку, — грудью, которая обычно составляет проблему для женщины, находящейся замужем более 9 лет, как в отношении формы, так и упругости — наконец, эта игра оживленного лица — все это заставило бы забыть блаженство рая.

Се 19 Mai 1821.

Et c ’est moi qui eu osé renouveller la même dispute! Que me sont donc les Grands de la terre, auxquels je n’envie rien, pas même le sort d’être vanté dans tout l’ univers. Pardon, Madame, je suis prêt à expier ma faute par toutes sortes de sacrifices que vous aurez la bonté de m’imposer. Combien de fois, après m’être séparé de Mr. Kouschinnikoff et me trouvant seul sur un frêle bateau me suis-je répété:

Вперед люби, да будь умнее,И знай, пустая голова,Что всякой логики сильнееПрелестной женщины слова.

Ces vers, je me les suis grav é dans la mémoire, comme le précepte de ma conduite à l’avenir. Tandis que je faisais ces reflexions, la brise s’élevait, les vagues venaient en écumant se briser aux bords de ma nacelle, un pauvre rameur maussade comme on nous représente Caron, travaillait de toute la force de ses bras nerveux. Faut-il vous dire la vérité, Madame? Il m’est arrivé mainte et mainte fois de désirer que le vent par son souffle violent ou bien les vagues par leurs chocs m’eussent arraché de mon embarcation et plongé dans fin fond de la Neva: tant j’étais mécontent de moi-même. Ce n’est pas que je ne fusse puni, en expiation de mon crime, ayant gagné un gros rhume et quel-ques petites attaques de rhumatisme par-ci par-là, mais je l’ai bien mérité.

Pour Dieu, Madame, ne revenons plus sur le chapitre des Grands de la terre: c ’est une bien triste matière pour moi: je les estime quand ils sont bons, je les plaigne quand ils sont méchants. Voilà ma profession de foi sui leur compte.

J ’ai une toute autre sur le Vôtre, Madame! Vous êtes ma divinité! Je n’ose plus vous dire que je vous aime d’amour, mais il m’est permis, il m’est doux de répéter que je vous adore, que je vous déifie: je tiens beaucoup à cela.

J ’ai encore un aveu à vous faire. Madame: j’ai fait des tentatives pour pacifier mon pauvre cœur, pour apaiser le feu qui le dévore; mais, hélas! ne le fait pas qui veut. Encore une fois: je m’étourdie sur ma future destinée, je cours droit au précipice la tête la première, je n’ose plus vous le dire et je m’en ressens davantage.

Combien l ’homme est faible et versatile dans ses projets: je vous ai promis d’être gai dans mes lettres et je suis tout au plus neutre: quan d est-ce que je me corrigerai?

Souffrez, du moins, Madame, que je continue toujours de me nommer

Tout à vous pour la vie Orest Somoff. Ce 23 Mai 1821.

Vous l ’avez prononcé, Madame! vous m’avez rendu le droit de vous con-ter mes peines, de vous parler de mon amour? Hélas, ce droit est le seul qui me soit réservé: je n’ai, pour toute réalité que mes tourments et la liberté de gémir. D’autres, plus heureux que moi, respirent la douce haleine de la rose; je n’en recueille que les épines. Oh! pourquoi ne puis-je répandre mon âme sur ce papier? pourquoi ne puis-je pas écrire avec le sang de mon cœur: ces caract ères seraient brûlants, ils vous auraient embrasés des mêmes feux dont ce pauvre cœur est consumé!

Croiriez-vous, Madame, qu ’il m’arrive souvent d’être plus heureux, seul et loin de vous, qu’en votre présence? Je vais vous expliquer cette énigme: vot-re image est toujours avec moi: tout mon être intellectuel en est rempli:

… Je t’aime en cent façons,Pour toi seule je tiens ma plume:Je te chante dans mes chançons,Je te lis dans chaque volume.Qu’une beauté m’offre ses traits,Je te cherche sur son visage:Dans les tableaux, dans les portraits,Je veux démêler ton image.

Voil à la peinture la plus vraie de ce qui passe dans mon cœur, dans mon imagination, enfin dans tout mon individu. Que je suis fâché que ce ne soit pas moi-même qui ait fait ces vers! ils expriment si bien ce que j’éprouve et que je sens… Hé bien, Madame, ajoutez à cela le doux souvenir de ce que j’ai entendu, de ce que j’ai vu, et ces mots de bonté, ces mots de consolation qui flattaient de temps en temps mon oreille. «Вот милая попинька! Où est mon Oreste? Jouez, mon ange!» — Croyez-vous que je les oublierai? Ja sais bien comme je viens de le dire, que c’étaient seulement des mots de bonté, des mots de consolation, des expressions presque banales, mais je vous le répète, et je le répéterai toujours: mon cœur aime à se tromper, il est tout à ces illusions… Aussi la réalité est trop dure pour lui… je vois bien que j’ai cessé même d’être l’objet de votre indulgence: quelquefois je suis là, près de vous, et vous avez l’air de ne pas vous en apercevoir[818]. Oh! c’est l’unique occasion où je fais des reproches amères à la nature, à la providence de ne m’avoir pas comblé de leurs dons.

Pourquoi en effet ne m ’ont-elles pas donné une figure attrayante, une taille avantageuse, des talents agréables surtout celle de plaire, un esprit aigre et cultivé, enfin tout ce peut attirer et attacher. De tous leurs dons, elles ne m’ont laissé en partage qu’un cœur tendre et aimant et une âme élevée au-des-sus de mon état, deux choses qui au lieu de faire le bonheur de celui qui les possède, ne contribuent qu’à le rendre encore plus malheureux. Ayez pitié de moi, Madame; rendez-moi du moins mon bonheur illusoire, ce bonheur qui m’a été accordé naguères: je vous jure, je fais le serment le plus solennel d’être aussi circonspect que vous l’exigez, de vous épargner la peine de me faire encore les mêmes reproches que votre jolie bouche m’avait prononcé autre jour.

Et en quoi suis-je fautif? J ’a toujours été si respectueux, si soumis devant vous, Madame (en même temps que j’ai vu un jeune homme se permettre de vous faire les réprimandes un peu dures en présence de tout le monde: voilà à qui peut vous compromettre et prêter au scandale…)

Veuillez bien, Madame, me pardonner ma franchise excessive: c ’est dans l’interêt de tout ce qui vous concerne, et par conséquent de tout ce qui m’est plus cher que ma vie, que je me suis permis de vous exprimer mon sentiment à ce sujet. Si vous saviez toute la force de mon amour, vous ne vous fâcheriez point de ma sincérité. Je tombe à vos pieds, je m’anéantis en disant toujou rs

Tout à vous pour la vie O. Somoff. Ce 25 Mai, 1821.

Ce n ’est donc que mon talent d’écrire que vous voyez dans mes lettres, Madame. L’éloge que vous en avez fait hier n’était qu’une satire contre mon coeur: aussi vous avez pu remarquer mon embarras et mes sottes réponses à vos aimables compliments: j’étais pétrifié, anéanti. Ah, Madame! si par pitié seulement vous m’eussiez dit: tu as un coeur, tu sais aimer, je le vois; ces expressions ne peuvent partir que d’un cœur aimant, elles ne sont point enve-loppées dans une froide recherche des mots et dans le fade jargon d’un amant trouvé dans mille romans. C’aurait été plus flatteur pour moi que toutes les lo-uanges pompeuses des toutes les académies du monde. Mais ici je vois que Madame a voulu seulement plaisanter sur mon amour et tourner en ridicule mon pauvre cœur: quelle récompense!.. Vous avez beau faire. Madame! je vous aimerai toujours: ni vos rigueurs, ni vos plaisanteries n’étoufferont jamais une passion qui va chaque jour croissant, qui fait mes peines, qui f’ait mes délices, et qui enfin n’expirera qu’avec le dernier souffle de ma vie.

Qu ’il est pénible, le moment fatal où l’on voit tomber le bandeau rose qui couvrait nos yeux, laissant apercevoir, dans le lointain, un demi-bonheur et des demi-jouissances! Qu’il est pénible, dis-je, cet état où le cœur se voit détrompé! Voici précisément l’état où je me trouve, Madame! Les espérances se sont toutes envolées: un vide affreux que rien ne remplit, règne à présent dans mon cœur… Autrefois il s’ouvrait à la douce amitié, depuis quelque temps il a osé palpiter pour l’amour…

Eh bien, Madame! l ’amour l’ayant trompé et le désir même de l’amitié. Vous, Madame, vous ne le croyez pas, j’ai vu par tout ce que vous m’avez dit que vous n’en croyez rien; ou du moins, si vous condescendez à le croire, ce sentiment ne fait qu’effleurer votre cœur sans y laisser aucune trace, tandis qu’il se grave dans le mien à de traits de feu, à de traits ineffaçables.

Hier j ’ai osé encore me disputer avec vous, et vous, ange de bonté, vous excusez cet excès de folie? Je vous prie, Madame, de me faire la grâce d’impo-ser à l’avenir silence à cette langue hardie qui devient alors comme antipode de mon cœur. Quelques fortes que puissent être mes raisons, il suffit que vous me disiez: C’est mon opinion! et vous verrez que je rentrerai aussitôt dans mon caract ère, dans celui d’un amant humble et soumis, comme je le suis toujours et comme je veux toujours l’être pour

Tout à vous pour la vie O. Somoff. Ce 26 Mai 1821.

Oui, Madame! Vous le voulez; vous voulez mortifier, atterrer un c œur qui vous aime tant! Hier encore j’en ai eu une preuve indubitable: vous avez fait appeler un de ces Messieurs, vous lui avez parlé, vous avez eu l’air de vous intéresser beaucoup à sa conversation… il sort, je m’approche de vous, j’ose vous adresser la parole et vous prétendez que vous voulez vous exercer. Il est beau, le compliment que vous m’avez dit: «que vous ne voulez pas avoir deux plaisirs à la fois: me voir et lire mes lettres». Je l’ai traduit mot par mot en lan-gage du cœur, en langage de vérité: voilà ce qu’il signifie: «aurais-je le temps de penser à toi et à tes lettres». La mine qui accompagnait le compliment l’ex-primait ainsi. — Vous me méprisez, Madame; vous craignez de faire voir aux autres que vous avez même la patience de m’écouter; je ne l’ai que trop compris; vous cherchez toujours des moyens pour éviter un moment d’entretien que je m’empresse de saisir: c’est clair, vous m’avez dit vous-même, ce que je dois faire…

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